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accôpagné seulemêt de deux cens hommes, et enuirô cinquâte cheuaux y retourna, Stratageme du capitaine Arnal. ou il usa de telle ruse, qu’il vous accoustra messieurs les Sauuages d’une terrible maniere. En premier les espouuêta auec ces cheuaux, qui leur estoiêt incongneux, et reputez côme bestes rauissantes : puis vous feit armer ses gens, d’armes fort polies et luisantes, et par dessus eleuêes en bosse plusieurs images espouuentables, côme testes de loups, lions, leopards, la gueule ouuerte, figures de diables cornuz, dôt furent si espouuentés ces pauures Sauuages qu’ils s’en fuyrent et par ce moyê furent chassez de leur païs. Ainsi sont demeurés maistres et seigneurs de ceste contrée, outre plusieurs autres païs circôuoysins que par succession de têps ils ont conquesté, mesmes iusques aux Moluques en l’Ocean, au Ponent de l’autre costé de l’Amerique : de maniere qu’auiourd’huy ils tiennent grand païs à l’entour de ceste belle riuiere, où ils ont basty villes et forts, et ont esté faits Chrestiens quelques Sauuages d’alenuiron reconciliez ensemble. Sauuages grands comme Geans. Vray est qu’enuiron cent lieues de là se trouuent autres Sauuages, qui leur font la guerre, lesquels sont fort belliqueux, de grande stature, presque comme geans[1] et ne viuent guere sinon de chair humaine côme les Canibales. Les dits peuples marchent si legeremêt du pié, qu’ils peuuent attaindre les bestes sauuages à la course. Ils viuent plus longuement que tous autres Sauuages,

  1. Ce sont ou les Guaranis habitants des Pampas ou plutôt les Patagons, que l’on s’obstina longtemps à considérer comme des géants.