maison, chascun menage, deux ou trois : mais auec une grand reuerence, estimâs ces pauures idolatres en sonnant et maniant ce fruit, que leur Toupan parle à eux : et que par ce moyê ils ont reuelation de tout, signamment à leurs Prophetes : parquoy estiment et croyent y auoir quelque diuinité, et n’adorent autre chose sensible que cest instrument ainsi sonnant quand on le manie. Et pour singularité i’ay apporté un de ces instruments par deça (que ie retiray secretement de quelqu’un) auec plusieurs peaux d’oyseaux de diuerses couleurs, dont i’ay faict present à Monsieur Nicolas de Nicolaï[1], geographe du Roy, homme ingenieux et amateur non seulement de l’antiquité, mais aussi de toutes choses vertueuses. Depuis il les a monstrées au Roy estant à Paris en sa maison, qui estoit expres allé voir le liure[2] qu’il faict imprimer des habits du Leuant : et m’a fait le recit que le Roy print fort grand plaisir à voir telles choses, entendu qu’elles luy estoient iusqu’à ce iour incongnues. Au reste y a force orenges, citrons, cannes de sucre :
- ↑ Nicolas de Nicolaï (1517-1583) militaire, diplomate et voyageur. Henri II l’avait attaché à sa personne comme valet de chambre et géographe. En 1551 il suivit G. d’Aramon dans son ambassade de Constantinople. Il parlait presque toutes les langues de l’Europe et dessinait fort bien. C’est lui qui a fourni les dessins des gravures et plans qui ornent ses livres.
- ↑ Cet ouvrage est intitulé : Navigations et pérégrinations orientales, avec les figures et les habillements au naturel, tant des hommes que des femmes. Lyon, 1568, in-fol. avec 60 fig. Il fut réimprimé à Anvers, 1576, in-fol. et 1576, 1577 et 1586, in-4o, et traduit en plusieurs langues.