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puissance de chasser les serpens. Aucuns veulent dire que le cerf fait tous les ans cornes nouuelles : et lors qu’il est destitué de ses cornes, se cache, mesmes quand les cornes luy veulent tomber. Les anciens ont estimé à mauuais presage la rencôtre d’un cerf et d’un lieure : mais nous sommes tout au contraire, aussi est ceste opinion folle superstitieuse et repugnante à nostre religion. Les Turcs et Arabes sont encores auiourd’huy en cest erreur. Resuerie des Sauuages. A ce propos noz Sauuages se sont persuadez une autre resuerie[1], et sera bien subtil qui leur pourra dissuader : laquelle est, qu’ayans pris un cerf ou biche, ils ne les oseroient porter en leurs cabannes, qu’ils ne leur ayent couppé cuisses et iâbes de derriere, estimans que s’ils les portoyent auec leurs quatre membres, cela leur osteroit le moyen à eux et à leurs enfans de pouuoir prendre leurs ennemis à la course : outre plusieurs

  1. Cette opinion était fort répandue chez tous les Américains. Ainsi les Caraïbes ne voulaient manger ni cochons ni tortues parce qu’ils craignaient que leurs yeux ne devinssent aussi petits que ceux de ces animaux ; les Dacotahs mangent encore le foie des chiens afin d’acquérir leur sagacité et leur courage. Les Esquimaux sont même persuadés que les qualités corporelles des Européens se communiquent à leurs vêtements, et ils récoltent les vieilles semelles des matelots norwégiens ou Danois, qu’ils font porter aux femmes stériles. Lubbock. Origines de la Civilisation. P. 18. Curieux passage de Brett. Indian Tribes of Guiana. P. 355. « Les Acawoios et les Caraïbes, quand ils attendent l’accouchement de leurs femmes, s’abstiennent de certaines sortes de viandes, de peur que l’enfant qui va naître ne s’en ressente mystérieusement. »