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ces prophetes donnât à entendre à ces bestiaux, qu’ils parlent aux esprits et ames de leurs parens, et que rien ne leur est impossible, qu’ils ont puissance de faire parler l’ame dedans le corps. Aussi quand un malade ralle, ayant quelque humeur en l’estomac et poul mons, laquelle par debilité, ou autremêt il ne peut ietter, ils estimêt que c’est son ame qui se plaint. Methode de guerir les maladies obseruées entre les Sauuages. Or ces beaux prophetes, pour les guerir les suceront auec la bouche en la partie où ils sentiront mal, pensans que par ce moyen ils tirent et emportent la maladie[1] dehors. Ils se sucent pareillement l’un l’autre.

  1. Cet usage est fort répandu chez les nations sauvages. D’après le Père Dobritzhoffer (Historia de Abiponibus. Vol. ii. P. 249), « Les Abipons appliquent leurs lèvres à la partie malade et la sucent, crachant après chaque succion. Par intervalles ils tirent leur haleine du fond même de leur poitrine et soufflent sur la partie malade du corps. Ils répètent alternativement ces succions et ces exhalaisons… car ils croyent que ces succions débarrassent le corps de toutes les causes de maladie. Les jongleurs encouragent constamment cette croyance par de nouveaux artifices, car, quand ils se préparent à sucer un homme malade, ils cachent dans leur bouche des épines, des insectes, des vers, puis les crachent après avoir sucé quelque temps, en disant au malade : Voici la cause de votre maladie. » Cf. Spix et Martius. Travelz in Brazil. T. ii. P. 77. — Bret. Indian Tribes of Guiana P. 364. « Après bien des momeries le sorcier tire de sa bouche quelque substance étrangère telle qu’une épine, un gravier, une arête de poisson ou un fil de métal que quelque méchant esprit a inséré dans la partie malade. Voir encore Wilkes. {{|United states exploring expedition}}. T. iv. P. 400. — Schoolcraft. Indian Tribes. Vol. i. P. 250. — Crantz. History of Greenland. Vol. i. P. 214. — Peut-être la trace de cette coutume s’est-elle perpétuée jusqu’à nous, quand nous disons à nos enfants ; « Viens que je t’embrasse, et tu seras guéri ? »