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les quels incontinent comme chiens enragez de faim coururent à noz nauires, desia en partie delaissées de gens, où de fortune le trouuans sans merci ne pitié aucun, se iettent dessus, et le mettent en pieces là sans toucher aux autres, qui estoient là pres. Le quel côme Dieu le permist, endurant ce piteux massacre leur remonstroit la foy de Iesus-Christ, un seul Dieu en trinité de personnes et unité d’essence : et ainsi mourut le pauure homme entre leurs mains bon Chrestien. Lequel toutes fois ils ne mangerêt côme Ils auoyent accoustumé faire de leurs ennemis. Quelle opinion de vengeance est plus contraire à nostre loy ? Nonobstant se trouuent encores auiourd’huy plusieurs entre nous autres autant opiniastres à se venger, côme les Sauuages. Dauantage cela est entre eux : si aucun frappe un autre, qu’il se propose en receuoir autant ou plus, et que cela ne demeurera impuni. C’est un tres beau spectacle que les voir quereler ou se battre. Fidelité des Sauuages, mais nô à l’êdroit des Chrestiens. Au reste assez fideles l’un à l’autre : mais au regard des Chrestiès, les plus affectez et subtils larrons, encores qu’ils soyêt nuds, qu’il est possible : et estiment cela grâd vertu, de nous pouuoir dérober quelque chose. Ce que i’en parle est pour l’auoir experimêté en moy mesme. C’est qu’enuiron Noël, estât là, vint un Roy du païs veoir le Sieur de Villegagnon, ceux de sa compagnie m’enporterent mes habillements, côme i’estois malade. Voyla un mot de leur fidelité et façon de faire en passant, apres auoir parlé de leur obstination et appetit de vengeance.