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Et n’estimez que telle folie ne les tienne de tout temps, et tiendra, s’ils ne se changent. Ce pauure peuple est si mal appris, que pour le vol d’une mouche ils se mettront en effort. Si une espine les picque, une pierre les blesse, ils la mettront de colere en cent mille pieces, comme si la chose estoit sensible : ce qui ne leur prouient, que par faute de bon iugement. Dauantage ce que ie dois dire pour la verité, mais ie ne puis sans vergongne, pour se venger des poulx[1] et pusses, ils les prennêt à belles dêts, chose plus brutalle que raisonnable. Et quant ils se sentiront offensez tant legerement que ce soit, ne pensez iamais vous reconcilier. Telle opinion s’apprent et obserue de pere en fils. Vous les verriez monstrer à leurs enfans à l’aage de trois à quatre ans à manier l’arc et la flesche, et quant et quant les exhorter à hardiesse, prendre vengeance de leurs ennemis, ne pardonner à personne, plus tost mourir. Aussi quand ils sont prisonniers les uns aux autres, n’estimez qu’ils demandent à echapper par quelque composition que ce soit, car ils n’en esperent autre chose que la mort, estimans cela a gloire et honneur. Et pour ce ils se sçauent fort bien

    des autres, que quiconque tombe en la main de son ennemy, il faut que, sans autre composition, il s’attende d’estre traitté de mesme : c’est à dire assommé et mangé. » Cf. Hans Staden. P. 291. — Montaigne, I, 30.

  1. Léry. § xi. « Ils sont fort vindicatifs, voire forcenez contre toutes choses qui leur nuisent, mesme s’ils s’aheurtent du pied contre une pierre, ainsi que chiens enragez, ils la mordront à belles dents. Ainsi recerchans à toutes restes les bestes qui les endommagent, ils en despeuplent leur pays tant qu’ils peuvent. »