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boire, en son lict : et s’en abstiendra encores par certains iours, ne mettra pié à terre aussi de trois iours. S’il veut aller en quelque part, se fait porter, ayant ceste folle opinion que s’il ne faisoit ainsi, il lui arriueroit quelque desastre, ou mesme la mort. Puis apres il fera, auec une petite sie, faite de dens d’une beste, nômée Agoutin, plusieurs incisions et permis au corps, à la poitrine, et autres parties, tellemêt qu’il apparoistra tout dechiqueté. Et la raison, ainsi que ie m’ê suis informé à quelques uns, est qu’il fait cela par plaisir[1], reputant à grande gloire ce meurtre par luy cômis en la personne de son ennemy. Auquel voulant remôstrer la cruauté de la chose, indigné de ce, me renuoya tresbien, disant que c’estoit gràd honte à nous de pardôner à noz ennemis, quàd les auôs pris en guerre : et qu’il est trop meilleur les faire mourir à fin que l’occasiô leur soit ostée de faire une autrefois la guerre. Voyla de quelle discretiô se gouuerne ce pauure peuple brutal. le diray dauantage à ce propos, que les filles usent de telles incisiôs[2] par le corps, l’espace de trois iours

  1. Léry. § xv. « Quant à celuy ou ceux qui ont commis les meurtres, reputans cela à grand gloire et honneur, dès le mesme iour… ils se feront non seulement inciser iusques au sang, la poictrine, les bras, les cuisses, le gros des iambes et autres parties du corps : mais aussi à fin que cela paraisse toute leur vie, ils frottent ces taillades de certaines mixtions et pouldre noire, qui ne se peut iamais effacer : tellement que tant plus qu’ils sont ainsi deschiquetez, tant plus cognoist ou qu’ils ont beaucoup tué de prisonniers, et par consequent sont estimez plus vaillans que les autres. »
  2. Léry. § xvii. » l’ai vu des ieunes filles, en l’aage de douze