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par pieces[1], et cuit à leur mode, sera distribué à tous quelque nôbre qu’il y ait, à chacun son morceau. Quàt aux entrailles, les femmes cômunement les mangent, et la teste, ils la reseruent à pendre au bout d’une perche, sur leurs logettes, en signe de triomphe[2] et victoire : et specialemêt prennent plaisir à y mettre celle des Portugais. Canibales ennemis mortels des Espagnols. Les Canibales et ceux du costé de la riuiere de Marignan, sont encore plus cruels aux Espagnols, les faisans mourir plus cruellement sans comparaison, et puis les mangent.

Il ne se trouue par les histoires nation tant soit elle barbare, qui ait usé de si excessiue cruauté sinon que Iosephe escrit, que quand les Romains allèrent en Ierusalem, la famine, après auoir tout mâgé, côtraignit les mères de tuer leurs enfans, et en manger. Anthropophages. Et les Anthropophages qui sont peuple de Scythie, viuent de chair humaine comme ceux cy. Or celuy qui a fait ledit massacre, incontinent après se retire en sa maison, et demeurera tout le iour sans manger ne

  1. Léry. § xv. « Quelque grand qu’en soit le nombre, chacun, s’il est possible, auant que sortir de là en aura son morceau, non pas cependant, ainsi qu’on pourrait estimer, qu’ils facent cela ayant esgard à la nourriture : tant y a neantmoins que plus par vengeance, que pour le goust leur principale intention est, qu’en poursuyuant et rongeant ainsi les morts iusques aux os, ils donnent par ce moyen crainte et espouuantement aux viuans. »
  2. Léry. § xv. « La première chose qu’ils font quand les François les vont voir et visiter, c’est qu’en recitant leur vaillance, et par trophée leur monstrant ces tects ainsi decharnés, ils disent qu’ils feront de mesme à tous leurs ennemis. »