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collier fait de fil de coton, auec lequel ils enfilent certains[1] fruits tous ronds, ou os de poisson, ou de beste, faits en façon de patenostres, qu'ils mettent au col de leur prisonnier. Et où ils auront enuie de le garder quatre ou cinq lunes, pareil nombre de ses patenostres ils luy arracheront : et les luy ostent à mesure que les lunes expirent, continuant iusques à la derniere : et quand il n'en reste plus, ils le font mourir. Aucuns, au lieu de ses patenostres, leur mettent autant de petis colliers au col, comme ils ont de lunes à viure. Dauantage tu pourras icy noter, que les Sauuages ne content sinon iusques au nombre de cinq[2] et n'obseruent aucunement les heures du iour, ny les iours mesmes, ny les mois, ny les ans, mais content seulement par lunes. Telle maniere de conter fut anciennement commandée par Solon aux Atheniês, à sçauoir, d'observer les iours par le cours de la lune. Si de ce prisonnier et de la femme qui lui est donnée, prouiennent quelques enfans, le temps qu'ils sont ensemble, on les nourrira une espace de temps, puis il les mangeront[3], se recordans qu'ils sont enfans de

  1. Thevet. Cosm. univ. P. 945. Léry. § xv.
  2. Le détail est confirmé par Léry § xv. « S'ils ont passé le nombre cinq, il faut que tu montres par tes doigts et par les doigts de ceux qui sont auprès de toy, pour accomplir le nombre que tu leur voudras donner à entendre : et toute autre chose semblablement, car ils n'ont autre manière de conter. »
  3. Cet horrible usage est confirmé par le témoignage de Gandavo (Santa Cruz. P. 140), Léry § xv, et même par le plus ancien de nos voyageurs au Brésil, Alfonse de Saintonge. « Si la fille engroisse et ayt un enfant masle, dit ce dernier, il sera