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corps, les bastant et outrageant excessiuement, de manière que aucunesfois vous les orriez faire un cry epouuêtable[1], disans en leur langue, s'il y a quelque Chrestien là près. Vois tu pas Agnan qui me bat, défends moy, si tu veux que ie te serue, et coupe ton bois : comme quelque fois on les fait travailler pour peu de chose au bois de bresil. Pourtant ne sortent la nuit de leurs logettes, sans porter du feu auec eux, lequel ils disent estre souueraine deffense et remede contre leur ennemy. Et pensoys quand premieremêt l'on m'en faisoit le récit, que fust fable, mais i'ay veu par expérience cest esprit auoir esté chassé par un Chrestien en inuocât et prononçât le nom de IESUS CHRIST. Il aduient[2] le semblable

  1. Il est assez curieux de remarquer que la plupart des sauvages considèrent les esprits comme des êtres malfaisants. Ainsi les Abipones (Dobritzhoffer. Ouv. cité. T. il. P. 35, 64) ont quelques vagues notions d'un esprit méchant, mais aucune d'une divinité bienfaisante. Les Coroados du Brésil ne croient qu'à un principe malfaisant qui les tourmente (Spix et Martius. T. II. P. 243.) Dans la Virginie et la Floride on adorait le mauvais esprit et non le bon. Encore aujourd'hui « le Peau-Rouge craint continuellement les attaques des mauvais esprits, et, pour les détourner, a recours aux charmes, aux cérémonies les plus fantastiques de ses prêtres, ou à la puissance de ses manitous. La crainte a plus de part à ses dévotions que la reconnaissance, et il s'attache plus à détourner la colère des méchants esprits qu'à s'assurer la faveur des bons. » Carver. Travels. P. 388. Cf. Lubbock. Les Origines de la civilisation. P. 219.
  2. Thevet n'est pas le seul à croire à la réalité de ces démons. Cf. Lafitau. Mœurs des Américains. I, 374. — Labat. Voyage aux isles de l'Amérique. T. ii, 57. Ce dernier, après avoir rapporté