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font seicher à l’ombre dans leurs petites cabannes. La maniere d’en user est telle. Ils enueloppent, estant seiche, quelque quantité de ceste herbe en une fueille de palmier, qui est fort grande, et la rollent comme de la longueur d’une chandelle, puis mettent le feu par un bout, et en reçoiuent la fumée par le nez, et par la bouche. Elle est fort salubre, disent ils, pour faire distiller et consumer les humeurs superflues du cerueau. Dauantage prise en ceste façô fait passer la faim et la soif pour quelque temps. Parquoy ils en usent ordinairement, mesmes quand ils tiennent quelque propos entre eux, ils tirent ceste fumée, et puis parlent : ce qu’ils font coustumierement et successiuement l’un apres l’autre en guerre, ou elle se trouue trescômode. Les femmes n’en usent aucunement. Vray est, que si l’on prend trop de ceste fumée ou parfun, elle enteste et enyure, comme le fumet d’un fort vin. Les Chrestiens[1] estans auiour-

    depuis les temps les plus reculés. Ce fut le 15 octobre 1492 que Colomb remarqua dans la pirogue d’un Indien « plusieurs feuilles sèches odoriférantes fort estimées dans son pays. » Le 5 novembre, deux hommes de son équipage remarquèrent que « beaucoup d’Indiens tenaient en mains un tison allumé. » Las Casas, § LXVI, ajoute quelques détails : Les Indiens ont toujours un tison dans les mains, et quelques herbes dont ils retirent la fumée odorante. Ces herbes enroulées dans une feuille également sèche, ils les allument d’un côté, et de l’autre aspirent et absorbent avec la respiration cette fumée. » Dès lors tous les navigateurs mentionnent cette herbe singulière, mais la première description scientifique a été donnée par Thevet lui-même, dans sa Cosmographie universelle. P. 926.

  1. Las Casas était déjà forcé d’avouer (Histoire des Indes occiden