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CHAPITRE XXX.

De la manière de leur manger et boire.


On peut facilement entendre, que ces bonnes gens ne sont pas plus civils en leur mâger, qu’ê autres choses. Les Sauuages viuêt sans loix. Et tout ainsi qu’ils n’ont certaines loix, pour eslire ce qui est bon, et fuir le contraire, aussi mangêt ils de toutes viandes, à tous iours et à toutes heures, sans autre discretiô, vray est que d’eux-mesmes ils sont assés superstitieux de ne manger de quelque beste, soit terrestre ou aquatique, qui soit pesante à cheminer, ains de toutes autres qui cognoissent plus légères à courir ou voler, côme sont cerfs et biches : pour ce qu’ils ont ceste opiniô[1], que ceste chair les rendroit trop pesans, qui leur apporteroit inconuenient, quand ils se trouueroient assaillis de leurs ennemis. Que les Amériques ont en horreur la chair salée. Ils ne veulent aussi manger de choses salées, et les défendent à leurs entants, et quâd ils voyent les chrestiens man-

  1. Cette opinion est fort répandue chez tous les sauvages. Voir Lubbock. Origines de la civilisation. — Brett. Indian Tribes of Guiana. 355. « Les hommes chez les Acawoïo et les Caraïbes, quand ils attendent l’accouchement de leurs femmes, s’abstiennent de certaines viandes, de peur que, s’ils venaient à en manger, le nouveau né ne s’en ressentît mystérieusement. »