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bien petite isle, contenant seulement une lieue de circuit, située presque à l’origine de ceste riuiere, dôt nous auôs parlé, laquelle pour mesme raison auec le fort qui fut basti, a esté aussi nommée Colligni[1]. Isle fort commode, en laquelle s’est premieremêt fortifié le seigneur de Villegagnon. Ceste isle est fort plaisante, pour estre reuestue de grande quantité de palmiers, cedres, arbres de bresil, arbrisseaux aromatiques verdoyans toute l’année : vray est qu’il n’y a eau douce, qui ne soit assez loing. Doncques le seigneur de Villegagnon, pour s’asseurer contre les efforts de ces sauuages faciles à offenser, et aussi contre les Portugais, si quelques fois se vouloient adonner là, s’est fortifié en ce lieu, comme le plus commode, ainsi qu’il luy a esté possible. Quant aux viures, les sauuages luy en portent de tel que porte le païs, comme poissons, venaison, et autres bestes sauuages, car ils n’en nourrissent de priuées, comme nous faisons par deçà, farines de ces racines, dont nous auons n’agueres parlé, sans pain ne vin : et ce pour quelques choses de petite valeur, comme petits costeaux, serpettes, et haims à prendre poisson. Roche de laquelle provient un lac. Ie diray entre les louënges de nostre riuiere, que là près le destroit se trouue un maresc[2] ou lac prouenant la

  1. Ce n’est pas sur cette île que s’établirent d’abord nos compatriotes, mais sur un rocher nommé le Rattier, qu’ils abandonnèrent bientôt, comme trop exposé à la fureur des vagues. Leur nouveau domicile fut l’île aux Français, à laquelle les Brésiliens, par un sentiment qui les honore, ont conservé le nom d’île Villagânhon. Cf. Thevet. Cosmog. Univ.Léry. § iv. — Gaffarel. Ouv. cité.
  2. Il s’agit du lac Rodrigo alimenté en effet par les eaux qui coulent du mont Corcovado.