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d’un muy, viendront quelques filles vierges macher ce mil ainsi boullu, puis le remettront en un autre vaisseau à ce propre : ou si une femme y est appellée, il faut qu’elle s’abstienne par certains iours de son mary, autrement ce brauage ne pourrait iamais acquerir perfection. Cela ainsi fait, le feront bouillir de rechef iusques à ce qu’il soit purgé, côme nous voyons le vin bouillant dans le tonneau, puis en usent quelques iours apres. Or nous ayant ainsi traictez nous mena puis apres veoir une pierre large et longue de cinq pieds ou enuiron, en laquelle paroissoiêt quelques coups de verge, ou menu baston, et deux formes de pié : qu’ils afferment estre de leur grand Caraibe[1], lequel ils ont quasi en pareille reuerence, que les Turcs Mahommet : pourtât (disent-ils) qu’il leur a dôné la congnoissance et usage du feu, ensemble de planter les racines, lesquels parauant ne viuoient que de fueilles et herbes ainsi que bestes. Estâts ainsi menez par ce Roy, nous ne laissiôs de diligèment recôgnoistre et visiter le lieu auquel se trouua entre plusieurs cômodités qui sont requises, qu’il n’y avoit

    car combien que ie n’ai pas veu faire de distinction des filles d’auec celles qui sont mariées (comme quelqu’un a escrit) tant y a neantmoins qu’outre q’les hommes ont ceste ferme opinion, que s’ils maschoyent tant les racines que le mil pour faire ce bruuage, qu’il ne seroit pas bon : encore reputeroyent-ils indecent à leur sexe de s’en mesler. »

  1. Toutes ces traditions primitives avaient été soigneusement recueillies par Villegaignon. Thevet fut non pas le collecteur, mais le vulgarisateur de ces curieuses légendes. M. F. Denis (Fête Brésilienne à Rouen, p. 81-96), en a cité plusieurs, particul1èrement celle de l’origine du feu.