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raison. Parquoy ie conseilleroys volontiers d’en faire experience en celles de ce païs, et des terrestres, si l’on n’en peut recouvrer de marines : qui seroit à mon iugement beaucoup meilleur et plus seur, que les viperes tant recommandées en ceste affection, et dont est composé le grand Theriaque : attêdu qu’il n’est pas seur user de viperes pour le venin qu’elles portent, quelque chose que l’on en die : laquele chose est aussi premierement venue d’une seule experience.

Lon dit que plusieurs y sont allez à l’exemple de cestuy-cy, et leur a bien succedé. Voila quant aux tortues. Et quant aux cheures que mena nostre gentilhomme, elles ont là si bien multiplié, que pour le present il y en a un nombre infini : et tiennent aucuns, que leur origine vient de là, et que parauant n’y en auoit esté veu. Reste à parler d’une herbe, qu’ils nomment en leur langue Orseille.

Orseille, herbe. Ceste herbe[1] est comme une espece de mousse, qui croist à la sommité des hauts et inaccessibles rochers, sans aucune terre, et y en a grande abondance. Pour la cueillir ils attachent quelques cordes au

  1. L’orseille (Lichen roccella) croît en abondance au cap Vert et surtout aux Canaries. C’est une sorte de lichen, dont on se sert dans la teinture. Elle donne, après avoir été macérée quelque temps dans l’urine, une belle couleur pourprée. On a cru que les Phéniciens avaient employé l’orseille. Ils venaient la chercher dans les îles de l’Atlantique qu’on nommait Purpurariae. La pourpre que nous cherchons dans un murex n’était peut-être que le lichen roccella. C’est seulement à partir de 1730 que l’orseille du cap Vert fut régulièrement exploitée, et, à partir de 1790, pour le compte du gouvernement.