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entre plusieurs manieres qui seroyent longues à reciter. Espesseur de ces escailles de tortues marines, et corne ils s’en seruent. Quant à leur couuerture et escaille ie vous laisse à penser de quelle espesseur elle peut estre, proportionnée à sa grandeur. Rondelles descailles de tortue. Aussi sur la coste du destroit de Magellan, et de la riuere de Plate, les sauuages en font rondelles, qui leur seruent de boucliers Barcelonnois, pour en guerre receuoir les coups de flesches de leurs ennemys. Semblablement les Amazones sur la coste de la mer Pacifique, en font rempars, quàd elles se voyent assaillies en leurs logettes et cabannes. Et de ma part i’oseray dire et soustenir auoir veu telle coquille de tortue, que la harquebuse ne pourrait aucunement trauerser. Il ne faut demander combien noz insulaires du cap Verd en prennent, et en mangent communement la chair, comme icy nous ferions du bœuf ou mouton. Aussi est elle semblable à la chair de veau, et presque de mesme goust. Les sauuages des Indes Ameriques n’en veulent aucunement manger persuadez de ceste folle opinion, qu’elle les rendroit pesans, comme aussi elle est pesante, qui leur causerait empêchement en guerre : pour ce qu’estans appesantis, ne pourroyent legerement poursuyure leurs ennemis, ou bien eschapper et euader leurs mains[1]. Histoire d’un gêtil-hôme Portugalois. Ie reciteray pour la fin l’histoire d’un gentil-homme Portugais lepreux, lequel pour le grand ennuy qu’il receuoit de son mal, cherchant tous les moyens de

  1. La tradition s’est perpétuée : D’après d’Ayezac (Iles de l’Afrique. P. 187), une croyance populaire attribue à la chair des tortues prise comme nourriture et à leur sang frotté sur la peau la faculté de guérir la lèpre.