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et entendu par gens dignes de foy. Pline[1] recite, qu’en la mer Indique sont de si grandes tortues, que lescaille est capable et suffisante à couurir une maison mediocre : et qu’aux isles de la mer Rouge, ils en peuuent faire vaisseaux nauigables. Ledit auteur dit aussi en auoir de semblables au destroit de Carmanie en la mer Persique. Il y a plusieurs manieres de les prendre.

Maniere de prendre les tortues marines. Quelques fois ce grand animal, pour appetit de nager plus doulcement, et plus librement respirer, cherche la partie superficielle de la mer un peu deuant midy, quand l’air est serain : ou ayant le dos tout decouuert, et hors de l’eau, incontinent leur escaille est si bien deseichée par le Soleil, qu’elles ne pouuans descendre au fond de la mer, elles flottent par dessus bon gré mal gré et sont ainsi prises. Lon dit autrement, que de nuyt elles sortent de la mer, cherchans à repaistre, et apres estre saoulées et lassées s’endorment sur l’eau pres du riuage, où l’on les prend aisement, pour les entendre ronfler en dormant :

  1. Pline. H. N. ix. 12. Testudins tantæ magnitudinis Indicum mare emittit ut singularum superficie habitabiles casas integant : atque insulas maris rubri his navigant cymbis. — Les voyageurs du seizième siècle ont tous parlé avec admiration de ces énormes amphibies. Ainsi nous lisons dans Lery (Histoire d’un voyage fait au Brésil. § iii) : « le diray qu’entre autres une qui fut prinse au nauire du vice-admiral estoit de telle grosseur, que quatre vingts personnes qu’ils estoyent dans ce vaisseau en disnerent honestement. Aussi la coquille ovalle de dessus qui fut baillée pour faire une targue au sieur de Sainte Marie nostre capitaine, avoit plus de deux pieds et demi de large. »