Page:Thevet - La France antarctique - Gaffarel, 1878.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

royent propres : et principalement pour y faire amas de peaux de cheures, dôt y a grande quàtité, et en font fort grade traffique. Et pour mieux faire, les Portugais deux ou trois fois l'année passent en ces isles auec nauires et munitiôs, menas chiens et filets, pour chasser aux cheures sauuages[1] : desquelles apres estre escorchées reseruent seulement les peaux, qu'ils deseichèt auecques de la terre et du sel, en quelques vaisseaux à ce appropriés, pour les garder de putrefactiô: et les emporter ainsi en leur païs, puis en font leurs marroquins tàt celebrés par l'uniuers. Maroquins d'Espagne. Aussi sont tenu les habitas des isles pour tribut, rendre pour chacun au Roy de Portugal le nôbre de six mille cheures, tàt sauuages que domestiques salées et seichées : lesquelles ils deliurent à ceux, qui de la part d'iceluy Seigneur font le voyage auec ses grands vaisseaux, aux Indes Orientales, comme à Calicut, et autres, passans par ces isles : et est employé ce nôbre de cheures pour les nourrir pédant le voyage, qui est de deux ans, ou plus, pour la distance des lieux, et la grande nauigation qu'il faut faire. Au surplus l'air en ces isles est pestilentieux et malsain[2], tellemêt que

  1. Les chèvres sont encore très-nombreuses dans l'archipel, malgré ce qu'on en tue chaque année pour les peaux, qui sont maintenant exportées non plus en Portugal, mais dans l'Amérique du nord. Ces chèvres ont bonne apparence, leur poil est court et lustré, leurs couleurs variées.
  2. Le climat de ces îles est très-chaud, et surtout fort humide. L'influence du climat sur l'état sanitaire varie selon les îles. A Saint-Jacques on meurt avec une déplorable facilité. A Saint-Nicolas la progression des décès ne s'est pas encore arrêtée. Dans