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Versait à flots les pleurs de son ciel pluvieux,
Les fourgons dans la boue entraient jusqu’aux essieux,
Et les hommes juraient et faisaient triste mine,
Ayant au front la pluie, au ventre la famine.
Les bourgs étaient déserts ; les paysans lorrains
Cachaient dans les forêts leurs troupeaux et leurs grains,
Et, quand chez un fermier les fourrageurs avides
Arrivaient, l’écurie et la huche étaient vides…
Leurs premiers régiments, à demi morts de faim,
Avaient atteint Grandpré ; devant eux à la fin,
L’Argonne se dressait, profonde, sombre et haute,
Quand un des espions rapporta qu’à mi-côte,
Dans un taillis coupé par des fossés bourbeux,
Des paysans s’étaient enfuis avec leurs bœufs.
D’abord ce fut un rauque et brutal cri de joie,
Puis un silence, et, pour ne pas manquer la proie,
On cerna le taillis.

On cerna le taillis.Au milieu des halliers,
Cent hommes environ, fermiers et journaliers,
Pâles, armés de faux et de vieilles épées,
Faisaient le guet, tandis qu’à l’entour des cépées,