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de tabliers à bavette et armées de spatules, surveillaient la cuisson des sirops ; les réchauds flambaient, une odeur de fruits confits s’exhalait des bassines fumantes et se répandait, dans toute la maison.— L’après-midi du premier dimanche de juillet fut tout entière consacrée à la cueillette des groseilles qui foisonnaient dans le petit jardin des Saules. Héloïse et Gertrude s’étaient chargées de dépouiller un groseillier ; la grisette appela Xavier à son aide, et bientôt entre elle et le jeune homme commença un échange de gais propos qui agaça singulièrement Gertrude. De temps en temps Héloïse choisissait avec soin une belle grappe, la plus longue et la plus appétissante, puis la soulevant du bout des doigts, elle la présentait aux lèvres de Xavier. Or il arriva qu’une fois, tout en mordant à la grappe, le jeune homme effleura involontairement de ses lèvres les doigts de la modiste, qui poussa un cri et se plaignit très haut de ce prétendu baiser dont elle était enchantée… C’en était trop pour Gertrude. Elle se leva brusquement et, quittant le groseillier, elle alla se réfugier sous le chambret de vigne-vierge, au bord de l’eau. Là, elle put pleurer tout à son aise, car elle avait le cœur plein de colère et les yeux gros de larmes.