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heureux dimanches avec impatience : ils comptaient les heures, et quand arrivait le samedi soir, ils respiraient plus librement et travaillaient avec un entrain fiévreux. Le lendemain matin, tous deux en s’habillant se promettaient des moments délicieux et se répétaient d’avance tout ce qu’ils auraient à se dire, puis la journée passait comme une ombre, et ils se quittaient le soir, tout étonnés de s’être si peu parlé. Sans que Gertrude s’en rendît compte, ses manières avec Xavier étaient devenues plus réservées ; un certain embarras avait succédé à son enjouement habituel. Il s’en aperçut bientôt, et, comme il était tout aussi farouche que par le passé, la réserve de Gertrude redoubla la sienne. Xavier avait une de ces natures timides et ombrageuses qui demandent à être fortement encouragées pour devenir expansives. Aussi était-il rare qu’il se montrât complètement lui-même. Pour le mettre en train, il fallait un milieu bruyant et sympathique ; pour le rendre joyeux, on devait commencer par rire aux éclats. Chez les demoiselles Pêche, il gardait souvent une attitude silencieuse qui ressemblait à de la bouderie, et il savait un gré infini à la personne qui se chargeait de rompre la glace et de le forcer à parler. On remarquait en lui