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père d’étape en étape, blottie dans un coin de son manteau, bercée par le roulement du fourgon ; elle se souvenait que parfois un gros baiser du capitaine Jacques la réveillait à demi, et qu’entre les plis du manteau elle distinguait un coin du ciel étoilé… Ah ! les bons baisers donnés à plein cœur, il y avait longtemps qu’elle ne les connaissait plus ! Les petits soins paternels, les dorloteries et les câlineries du réveil, les intimes babillages du coin du feu, tout cela était bien loin !…

Ho, la Grise ! holà, Blond !… On était arrivé au relais. Des lumières couraient aux croisées de l’auberge ; la porte de la remise s’ouvrait, un garçon d’écurie dételait les chevaux tout fumants et en amenait de frais. Le facteur s’avançait lourdement avec sa sacoche pleine de lettres ; une commère recommandait un paquet au conducteur ; un homme courbé sous le poids de deux seaux remplis au réservoir prochain se dirigeait lentement vers l’auge. Par la porte ouverte de l’auberge on voyait un bon feu flambant, on entendait de gros rires et le choc des verres… Au dehors le vent sifflait contre les rideaux de la capote, et Gertrude se sentait plus seule que jamais. Elle enviait les gens qui se chauffaient au feu de l’auberge, et ceux qui dormaient