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accompagnement naturel. En sa qualité de brioleur, il savait des chansons de toute sorte et de toute provenance ; tristes, gaies ou gaillardes ; chansons de noce et chansons de métier, refrains de soldats ou complaintes de bergers.— Il en dit une surtout qui remua le cœur de Gertrude, tant l’air lui semblait doux et tant quelques-unes des rustiques paroles s’accordaient avec sa situation :

« Mon Dieu, mon Dieu, que je suis aise Quand j’ai ma mie auprès de moi ! Je la prends et je la regarde : O ma mignonne, embrasse-moi !

— Comment veux-tu que je t’embrasse ?… Tout chacun dit du mal de toi ; On dit que tu vas à la guerre, Servir dans les soldats du roi.

— Ceux qui t’ont dit cela, ma belle, Ne t’ont dit que la vérité ; Mon cheval est là à la porte, Est tout sellé et tout bridé…

— J’ai tant pleuré, versé de larmes, Que les ruisseaux ont débordé ; Petits ruisseaux, grandes rivières, Quatre moulins en ont viré… »

Gertrude à son tour fondait en larmes aux sons de cette complainte rythmée par la voix chevrotante du brioleur. Celui-ci vit que son