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comme elle marche bravement sur les cailloux de la route ! Les Mauprié l’ont laissée partir seule… Ses nobles cousines n’ont pas daigné l’accompagner jusqu’aux Islettes ; le hâle aurait gâté leur précieux teint !… Les pécores !… Heureusement Gertrude ne leur ressemble pas.

Courbé vers la fenêtre, le front appuyé contre la targette glacée, il clignait un œil, et de l’autre suivait les détours de la route à travers la lorgnette. Au dehors, le vent secouait les branches décharnées et les pièces de toile pendues à des cordes dans le clos du voisinage. La girouette du toit virait et grinçait furieusement.

— Quel vent ! murmurait le vieillard, elle a bien fait de cacher ses cheveux blonds. Elle marche bravement ; elle est vaillante et elle a du cœur… Tant mieux !

Il la suivait toujours avec un redoublement d’attention à mesure que la distance rendait les images moins distinctes. Tout à coup une brume mystérieuse brouilla les objets et il ne vit plus rien… Une buée humide voilait le verre de la lunette. Les mains de M. Renaudin tremblaient. Il les porta à ses paupières, à ses yeux si longtemps secs comme son cœur, et il y trouva des larmes…

Gertrude aussi, sur la route balayée par la