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— Les demoiselles Pêche sont d’honnêtes filles ; j’habiterai chez elles, et d’ailleurs je saurai me protéger moi-même.

— Et te payera-t-on suffisamment pour te faire vivre ?

— On me donnera, pour commencer, le logement et la table, répondit Gertrude en rougissant ; jusqu’à ce que je gagne davantage, je vous prierai de m’envoyer une partie de la rente de six cents francs qui me vient de ma mère.

— Et si nous refusons ?… Car tu oublies que Gaspard est ton tuteur.

— Alors, répliqua-t-elle d’un ton ferme, je m’adresserai à mon oncle Renaudin, qui est mon subrogé-tuteur et qui me fera émanciper.

Gaspard se mit à rire bruyamment.

— Eh ! s’écria-t-il, laissez-la donc aller, ma mère !… Le village n’est pas fait pour de pareilles duchesses. Il leur faut la ville pour étaler leurs grâces et faire l’admiration des marjolets qui flânent le dimanche sur les promenades !… Toutes ces mijaurées-là s’imaginent qu’à la ville on trouve encore des rois qui épousent des bergères, et voici Reine qui grille d’envie, elle aussi, de trôner derrière un comptoir !

Reine se redressa comme une guêpe en colère et lança à son frère un regard furibond.