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et vous êtes enchaînée à moi par la loi et par Dieu.

Véronique frissonna. Il vit que ses paroles avaient porté et continua sur le même ton avec une vigueur éloquente dont on l’eût cru incapable : — Allez maintenant, s’écria-t-il, abandonnez-moi comme un chien. Vous m’avez déjà laissé une fois et vous savez dans quel bourbier vous m’avez retrouvé !… Vous répondrez de ce que le désespoir va me conseiller…— Puis il se mit à peindre son abandon et sa misère avec une verve si enragée, que Véronique et Gérard lui-même se sentirent un moment ébranlés. Peut-être au fond était-il sincère et plus sérieusement épris de sa femme qu’il n’aurait voulu ? Peut-être aussi avait-il peur d’une nouvelle lutte solitaire contre les difficultés de la vie ?… Dans cette nature profondément dissimulée et dépravée, on ne savait jamais où finissait le comédien et où commençait l’homme. Il se faisait son procès à lui-même, s’injuriait et se frappait la poitrine.— Oui, poursuivait-il, je suis un misérable, je le sais, et j’aurais dû crever quand vous m’avez trouvé sur mon grabat ; c’eût été justice… Mais me rejeter aujourd’hui dans la boue après m’en avoir tiré, ce serait de la cruauté, ce serait une infamie !…