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Appuyez-vous sur moi ; ma pensée et mon énergie sont à vous…

Elle se sentait si meurtrie, si abandonnée et si lasse, qu’elle oublia un moment la réalité pour écouter ces paroles sincèrement émues et ce cri d’adoration passionnée. Spontanément elle lui tendit la main, puis revenant brusquement à elle : — Je ne puis accepter, dit-elle d’une voix doucement frémissante, merci…

Leurs regards se rencontrèrent pour la première fois ; il s’agenouilla à ses pieds et baisa pieusement sa main, qu’il avait gardée dans la sienne… Le silence régnait en maître dans le vieux salon. Leurs yeux seuls parlaient. Dans la pénombre, les bruns regards du jeune homme s’enfonçaient dans les sombres prunelles de Véronique, et dans cet échange passionné, dans ces rayonnements d’âme, il y avait un poème plus enivrant que le dialogue du cantique des cantiques. Les paroles humaines sont trop pauvres et trop limitées pour traduire cette poésie des yeux, cette idéale conversation des regards amoureux. L’obscurité commençante, l’odeur des chèvrefeuilles de la terrasse, la moite pression des mains contre les mains achevaient de faire perdre aux deux jeunes gens le sentiment du monde extérieur et de la vie réelle.— Pourquoi