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efforts pour mettre un peu d’ordre dans ses idées, reprit peu à peu le fil de ses confidences. Semblable à ces malades qui n’aiment à parler que de leur maladie, il éprouvait un secret plaisir à exagérer ses ennuis. Il conta à Gérard ses mécomptes industriels, puis revenant tout à coup à son mariage : — A l’époque, dit-il, où je rencontrai ma femme, je m’occupais de chimie, et j’avais trouvé un moyen pour fabriquer le verre mousseline à bon marché. Son amour-propre était flatté, elle était fière d’avoir épousé un savant !… Ma découverte devait, en effet, donner des résultats superbes, mais il fallait de la patience, et c’est une chienne de vertu que je n’ai pas !… Bref, l’entreprise rata, et je jetai le manche après la cognée.

Il souleva son verre, le regarda un moment d’un air sombre, puis remplissant celui de Gérard : — Vive le vin ! dit-il, buvons !… « Si l’eau est trouble, au moins que le vin soit clair. » Il n’y a de bonheur qu’au fond de la bouteille. C’est le vin qui m’a consolé de ma femme et guéri de mes ambitions.— Il vida son verre.— Les femmes n’aiment que le succès ! continua-t-il, la mienne me le fit bien voir. Quand arriva ma déconfiture, je fus complètement dégoûté des affaires… J’envoyai au diable soufflerie et