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nouveau, et il rompit le silence pour se plaindre des événements qui l’avaient réduit à cette vie besogneuse. Une seconde fois, il fit allusion à son mariage ; il semblait ramené invinciblement vers ce sujet, et Gérard dut, bon gré mal gré, écouter ses confidences.— Il s’était marié à Bronnenthal. A l’en croire, il avait été indignement joué. On l’avait trompé sur la dot et sur la femme. Au lieu de rencontrer une petite bourgeoise toute simple et toute ronde, il était tombé sur une manière de grande dame, puritaine et entêtée.— Elle avait, disait-il, des délicatesses de l’autre monde, et ne pouvait supporter qu’on traitât une affaire entre deux verres de vin… Et puis, c’était une liseuse et une tête romanesque ; il la surprenait sans cesse le nez dans un livre ou le front contre la vitre.— Ces confidences étaient entremêlées de jurons énergiques et de pauses silencieuses. Parfois M. du Tremble, devinant à un geste du jeune homme que cette histoire décousue commençait à l’intéresser, s’interrompait brusquement, se renversait sur son siège, et regardait vaguement les flammes du brasier… Un sourire amer passait sur ses lèvres et il semblait jouir de la curiosité déçue de son auditeur.

— Ne vous mariez jamais, jeune homme ! soupira-t-il