Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/292

Cette page n’a pas encore été corrigée

un singulier mélange d’élégance et de misère, de recherche et de vulgarité, quelque chose à la fois du cabotin et du gentilhomme : — des manières aimables, un esprit souple et délié, mais un langage prétentieux, des gestes emphatiques et parfois une certaine obséquiosité rampante. Il affectait une politesse excessive, et malgré cela, il avait, par moments, dans le ton, quelque chose de sec et d’impératif trahissant, sous des inflexions câlines, l’égoïsme volontaire et cruel d’un enfant gâté. Tout en servant Gérard, il s’excusait de la pauvreté du souper avec une instance verbeuse qui finit par embarrasser son hôte. Le jeune homme s’aperçut bientôt que son amphitryon n’était plus à jeun et que les libations de la journée augmentaient encore sa loquacité naturelle. Il insistait pour faire boire Gérard : — Goûtez-moi cela, s’écria-t-il en remplissant les verres, c’est un vieux vin du Rhin dont j’ai emporté quelques bouteilles en quittant l’Alsace… Quelle sève, monsieur, quelle liqueur ! on se mettrait à genoux pour la boire.

— Vous habitez depuis peu l’Argonne ? demanda Gérard.

— Croyez-vous que j’aie toujours vécu dans ce nid à rats ! — Il haussa les épaules.— Du