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retentit de l’autre côté de la rivière, et l’un des couplets de la chanson monta jusque dans les arbres du jardin :

C’est le joli mois de mai, L’hiver est passé ; Je n’puis tenir mon cœur de joie aller, Tant aller, tant danser !… Vous aller, moi chanter, Trimazeaux, C’est le mai, le joli mai. C’est le joli mois de mai.

— J’aime cette chanson, dit Gérard.— Comme ces voix d’enfants gagnent à être entendues la nuit !… Ne trouvez-vous pas que dans cette musique primitive on sent toute l’impression du printemps sur des cœurs simples ?

Véronique répondait brièvement, craignant de laisser percer dans le frémissement de sa voix l’émotion qui la pénétrait. Tandis que Gérard parlait, elle constatait, combien, depuis la veille, son mal avait fait de progrès. Il s’était passé en elle quelque chose de semblable au travail latent d’un incendie qui couve pendant de longues heures, et qui éclate violemment… A peine a-t-on aperçu la première étincelle, que toute la maison est embrasée. Depuis la veille seulement, elle avait conscience de son amour, et déjà elle se sentait possédée tout entière…