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seule dans sa chambre, à la tombée de la nuit. Elle s’assit près de la fenêtre, et couvrit de ses mains sa figure brûlante. Ses tempes battaient et son corps était agité par un léger tremblement.— Il ne fallait plus se leurrer : elle aimait Gérard, et ces joies confuses, ce trouble étrange, cet intérêt jaloux, tout cela, c’était la passion… Mais alors quel odieux rôle allait-elle jouer dans cette maison où Gérard était considéré comme le futur mari de sa cousine ? A quels lâches mensonges allait-elle être réduite, et où pouvait aboutir une si avilissante folie ?… Tout ce qu’il y avait de fierté en elle se souleva. Elle appela à son aide toute son énergie, et résolut de se vaincre.— Non, dit-elle, je ne trahirai pas l’hospitalité qu’on me donne et je murerai si bien mon cœur que personne ne saura s’il est mort ou vivant.

Le surlendemain, quand Gérard revint chez madame Obligitte, Véronique, pendant toute la durée de sa visite, demeura impassible, silencieuse et comme enfermée dans une glaciale enveloppe d’indifférence. En vain, le jeune homme, désolé de cette froideur, voulut-il chercher son regard et la questionner. Il n’obtint aucune réponse, et quand vint l’heure de rentrer au Doyenné, il s’éloigna pensif et attristé.