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qui coulent sous une ombre épaisse ; son front se penchait, et ses traits se contractaient ; un frémissement de mépris et de dégoût passait sur ses lèvres fières et passionnées, puis elle secouait vivement la tête comme pour chasser des souvenirs détestés.— Parfois aussi, mais plus rarement, ses yeux s’illuminaient d’un éclair d’exaltation et de défi, et son front se relevait… On l’eût crue animée d’un esprit de révolte ; elle semblait dans l’attente d’une délivrance, ses joues se coloraient et son cœur palpitait impatient… Mais ce violent souffle d’orage passait vite, ses joues reprenaient leur pâleur mate, sa poitrine s’apaisait, et ses longs cils noirs s’abaissaient sur ses yeux résignés.

Telles étaient les agitations de sa pensée, à l’heure même où madame Obligitte s’apprêtait à recevoir ses hôtes. Tout en contemplant tristement le salon paré de fleurs, elle souhaitait que cette journée fût déjà passée ; elle maudissait ces heures de cérémonie banale où il faudrait, bon gré mal gré, rire et causer… Le soir, en surveillant les derniers préparatifs de cette ennuyeuse réception, elle se sentait lasse et morose. Le front appuyé contre la vitre, elle regardait le jardin déjà enveloppé par le crépuscule ; elle songeait aux grandes routes perdues