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paraissaient d’une longueur mortelle à Véronique.— La cour était humide et profonde comme un puits ; près des fenêtres, de maigres lilas sans fleurs poussaient en avril une pâle frondaison qui s’effeuillait avant la fin d’août. Par les vitres à petits carreaux verdis, le jour arrivait, terne et maussade, dans la salle dont les panneaux de chêne étaient pleins de craquements mystérieux ; au seuil de la porte résonnait l’assoupissante chanson du rouet de la servante. Rarement on se tenait au jardin ; le grand air donnait la migraine à madame Obligitte, et l’odeur des plantes l'énervait. Dans cette demeure où les visiteurs étaient rares, où les chambres closes exhalaient une affadissante odeur de renfermé, entre la place Verte silencieuse et un grand jardin abandonné, Véronique sentait avec effroi sa jeunesse s’écouler inféconde et décolorée…

Parfois elle cessait brusquement d’agir et se laissait aller à de longues méditations. Quelles pensées amères, quels souvenirs odieux, quels rêves découragés se remuaient alors dans son cerveau ?… Par moments, on pouvait saisir des traces de leur passage sur sa figure expressive. Ses yeux, devenus moins lumineux, prenaient la teinte foncée de ces eaux profondes