Page:Theuriet - Gertrude et Véronique, 1888, 4e mille.djvu/24

Cette page n’a pas encore été corrigée


— Assez, mon enfant, tu sais que je n’aime pas les scènes sentimentales ! dit-elle sèchement.

Gertrude se sentit glacée, et refoulant sa tendresse au fond de son cœur, elle s’en alla tristement s’asseoir près de la cheminée.

— Je ne veux faire de leçon à personne, poursuivit la veuve de son ton emphatique et tranchant, seulement je pense qu’une famille hospitalière et généreuse a droit à d’autres égards qu’un parent avare et dénaturé, et que se montrer tendre avec lui, c’est nous donner tort à nous. Je ne fais point parade des sacrifices que je m’impose, mais personne n’ignore que nous vivons de privations depuis cinq ans ; depuis cinq ans la vie est dure pour nous, — mes filles en savent quelque chose !…

Gertrude aussi ne l’ignorait pas. Elle était arrivée à quatorze ans dans la maison de sa tante, et depuis lors, elle avait silencieusement dévoré plus d’une humiliation. Elle se le disait, assise sur sa chaise basse, étouffant ses sanglots et brûlant aux ardeurs du brasier ses paupières gonflées de larmes. La brassée de bois vert qu’Honorine venait de jeter sur les chenets se tordait sur la braise et lançait de bruyants jets de flamme. Gertrude songeait aux pauvres femmes