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jeune fille digne d’être appelée sa femme, qui s’éprendrait de Gérard et lui donnerait toutes les joies de la vie d’intérieur, — et en songe parfois elle se voyait, heureuse aïeule, au milieu d’un beau groupe de petits-enfants.

Cependant la jeunesse, faisant explosion au milieu de cette éducation un peu exceptionnelle, avait amené à sa suite de sourdes et vagues agitations : langueurs fiévreuses, paresseuses rêveries, tristesses inexpliquées… L’image de l'éternel féminin commençait à occuper la pensée de Gérard et à l’agiter. Le fantôme de l’amour le poursuivait dans ses lectures, dans ses courses de chasseur, dans ses rêves de la nuit ; son imagination, sans cesse entraînée de ce côté, lui forgeait d’idéales amoureuses. Il souhaitait sérieusement la subite apparition de quelque mystérieuse jeune fille, exilée au fond des bois, comme la Rosalinde de Shakspeare, et souvent il se disait en suivant un sentier perdu : « Vais-je la voir paraître au détour du chemin ? » Quelquefois, par de tièdes matinées de printemps, Gérard, fatigué du silence du Doyenné, s’enfuyait vers Saint-Gengoult. Dans les rues solitaires, le son d’un piano touché par quelque main de femme arrivait jusqu’à lui, ou bien une porte s’ouvrait, et une jeune fille, accompagnée