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dans un collège, et faisant choix d’un précepteur instruit et expérimenté, elle s’était enfuie avec son trésor au Doyenné.— C’est là, à deux pas des bois de l’Argonne, en face d’une nature silencieuse et austère, que l’âme de Gérard s’était ouverte aux émotions de la première jeunesse.— Madame La Faucherie avait voulu faire de lui un homme, mais un homme au gré de son imagination maternelle : généreux sans faiblesse, viril sans grossièreté. Pour mettre Gérard en garde contre les plaisirs faciles, elle avait imprégné son cœur de toutes les délicatesses qui sont le privilège des natures féminines. Pour fixer son esprit, elle lui avait inspiré le goût des lectures sérieuses ; pour occuper son corps, elle lui avait fait suivre tous les exercices qui donnent la santé, la souplesse et la vigueur. Ainsi, sous l’influence de cet amour fervent, Gérard avait grandi robuste, enthousiaste et fier. Il avait dans le caractère quelque chose de cette verdoyante forêt d’Argonne où il vivait, je ne sais quoi de rêveur et de romanesque, avec une saveur d’âpreté sauvage.— Quand sonna la vingt et unième année, sa mère put déjà se féliciter des résultats de son plan d’éducation. Elle était fière de son fils ; elle rêvait maintenant pour lui une