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MADAME VÉRONIQUE




I


L’Argonne étend ses masses boisées entre les plateaux du Verdunois et les plaines crayeuses et monotones de la Champagne. Longue de quinze lieues et faisant suite à la chaîne des Ardennes, cette forêt aux terrains tourmentés, aux mornes clairières, aux gorges escarpées, a un caractère de sauvage grandeur. Peu de routes la traversent. À l’exception d’une ancienne voie romaine qu’on nomme la Haute-Chevauchée, on n’y rencontre guère que sentiers abrupts, à demi cachés sous les fougères, et conduisant à quelque scierie installée au bord de l’eau ou à quelque village enfoui en plein bois. Au fond de ces gorges et sur ces clairières vit une population à part : sabotiers nomades, braconniers intrépides, charbonniers