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et délabrée ; entre les fenêtres un métier de tisserand, sur lequel s’enroulait une pièce de cotonnade inachevée, découpait sur le mur le squelette noir de ses barres et de ses leviers ; une chaise dépaillée et une table boiteuse étaient rangées le long de la muraille humide ; en face du métier, un lit de sangle étalait sa paillasse et sa couverture en lambeaux, et sur ce lit, agenouillée, les cheveux épars, pâle, effrayante, une femme d’une trentaine d’années serrait contre sa poitrine amaigrie un tout petit enfant qui ne poussait plus que des vagissements étouffés… Au bruit de la porte, la mère se tourna vivement vers la nouvelle venue, et avec des yeux démesurément ouverts :

— Vite, venez ! cria-t-elle, mon petiot s’en va !…

— Qu’a-t-il et que dois-je faire ? demanda Gertrude en prenant l’enfant. La jeune femme montra avec un geste horrible son sein flétri.

— Je n’ai plus de lait, dit-elle, et mon pauvre petiot meurt de faim et de froid… Ah ! il n’y a pas de pitié au monde !…

— Ne vous désolez pas ainsi ! reprit Gertrude, je vais quérir de quoi vous ranimer tous les deux… N’avez-vous pas une voisine que je puisse charger d’acheter ce qu’il faut ?