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Il fouilla lentement les poches et en tira un couteau à manche de buis, un de ces couteaux de pitre qu’on nomme des eustaches.

— Vous lui donnerez mon couteau, reprit-il… Je sais bien que c’est un pauvre cadeau… On prétend que ça coupe l’amitié… Mais, dans la circonstance, il n’y a pas de crainte… Quand vous le donnerez à Norine, la camarde m’aura déjà coupé le fil à moi-même.

Le garde général essayait en vain de le rassurer.

— Non, non, répéta Bigarreau, je ne me mets pas le doigt dans l’œil, c’est moi qui étrennerai le cimetière où je faisais des terrassements !… Je vous avais bien dit que je ne finirais pas mon bail !… Que soit, ce n’est pas une façon agréable de s’en aller !… Le gardien-chef tapait dur, si dur que j’emporterai avec moi la marque de ses patoches… Pour en revenir à Norine, quand vous la reverrez, inutile de lui parler de mort et de cimetière… Elle aura déjà assez de peine sans ça !… Vous lui donnerez le couteau, vous l’embrasserez et vous lui direz tout bonnement qu’on m’a emmené quelque part, bien loin, où je serai beaucoup mieux…