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une correction qui lui ôtera le goût des promenades en plein air !

La correction devait, en effet, guérir Bigarreau à tout jamais. Après l’avoir moulu de coups, Seurrot avait conduit en cellule son prisonnier, tout suant encore de sa longue course au grand soleil. Bigarreau passa brusquement de la chaude et joyeuse lumière des champs dans un cachot obscur dont les murs étaient glacés. L’horreur noire de cette cellule était doublée pour lui par le souvenir de ses trois semaines de liberté, et par la douleur d’avoir été violemment séparé de la seule créature qui l’eût aimé. Il avait encore dans les oreilles les cris de désespoir de Norine, et ses yeux la revoyaient toujours à genoux et échevelée, à la lisière du bois de Colmiers. — C’était fini, il ne la retrouverait certainement plus, et la vie ne serait plus pour lui qu’un cauchemar. Son supplice commençait déjà. La nuit, son cachot était peuplé de fantômes : le gardien-chef, armé de sa trique ; le directeur avec ses yeux durs et son cruel sourire ; la face grimaçante et louche du Champenois… Bigarreau les voyait distinctement surgir de l’ombre et s’élancer férocement