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camp-volant d’apprenti était à ma place, vous feriez moins la difficile ! » La patience m’a échappé et je lui ai jeté au nez : « Certes oui, je l’aimerais mieux qu’un vilain louchard comme vous ! »

Bigarreau était devenu rouge.

— Et… est ce que c’est vrai, Norine ?

— Je ne mens jamais, balbutia-t-elle en enfouissant sa figure dans les serpolets.

Et elle poursuivit d’une voix quasi-étouffée par les herbes :

— J’ai plus d’amitié pour vous que vous n’en avez pour moi !… J’ai bien vu tout à l’heure que vous vous accoutumeriez à l’idée de me quitter, tandis que moi… si vous partiez…

Elle s’interrompit pour fondre en larmes.

— Norine, ma petite Norine, ne pleure pas !

Il avait soulevé dans ses mains la tête de la fillette, et, tout bouleversé de la voir pleurer, il avait rapproché son visage de celui de Norine. Tendrement, fraternellement, il essayait d’arrêter ses larmes en lui baisant les yeux. Brusquement elle lui jeta les bras autour du cou, et, pour la première fois, pour l’unique fois, les lèvres de Bigarreau touchèrent les virginales lèvres de la