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avec admiration, et cette contemplation admirative et recueillie suffisait à le rendre heureux.

Autour de lui et de la dormeuse, la forêt profonde élevait ses feuillées comme pour les enfermer tous deux dans une sécurité pacifique et verdoyante. Cette paix n’était troublée que par le susurrement du ruisseau, qui fuyait sous bois avec des airs pressés, et par les lointaines voix des ramiers, qui roucoulaient, roucoulaient toujours les mêmes notes amoureuses. Les fougères, roussies par le soleil, exhalaient une odeur pénétrante pareille au parfum du cassis mûr ; les tiges des genêts dressaient çà et là leurs gousses noires et leurs fleurs d’or ; sans bruit, un papillon bleu descendait du fourré, se posait sur une salicaire pourpre, puis reprenait son vol silencieux. — Cela dura des heures, puis Norine secoua ses cheveux semés de fleurettes de bruyères, elle dénoua ses bras ; un sourire entr’ouvrit sa bouche.

— Vous voilà réveillée ? murmura Bigarreau.

— Oh ! il y a beau temps que je ne dormais plus !… Je vous épiais.

— Et vous ne disiez rien ?

— Nenni ! vous vous seriez dérangé, et ça