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de compagnie les bois environnants. La fillette, souple comme une couleuvre et vive comme un écureuil, initiait son compagnon à toutes les jouissances de la vie forestière. Elle savait tendre des collets pour les lièvres et pêcher à la main, dans le ruisseau, des truites et des écrevisses. Elle connaissait dans les bruyères ou le long des sentes herbeuses les bonnes places à champignons, où l’on était sûr de faire une ample récolte de cèpes et de prevets. Cette existence solitaire dans le milieu salubre des bois, ces journées de travail au grand air, coupées de flâneries à travers les taillis, avaient rapidement métamorphosé Bigarreau. Ce n’était déjà plus le détenu sournois et farouche, sur les épaules duquel pleuvaient les taloches des gardiens de la maison centrale, le garnement perverti par des années de vagabondage et la promiscuité corruptrice de la prison ; son naturel bon enfant et insouciant avait repris le dessus. Grâce au contact journalier de la petite fée sauvage qui était devenue sa compagne et son initiatrice, il découvrait maintenant en son par-dedans des germes de délicatesse et de sensibilité dont il était lui-même émerveillé.