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jours pleinement heureux. Le père Vincart, bien que rageur et peu patient, n’était pas un méchant homme ; quant à Norine, elle avait pris en affection son protégé, et, comme en sa qualité d’enfant gâtée et volontaire elle menait son père par le bout du nez, elle rendait la vie très douce au nouveau-venu. — Elle l’avait habillé avec une vieille veste du sabotier, façonnée à la taille de Bigarreau, et elle lui avait installé un lit dans la loge où l’on emmagasinait les sabots, à côté du carré de paille et de fougère réservé au compagnon absent. Là, emmitouflé dans une couverture de cheval, l’ancien détenu dormait à poings fermés jusqu’à l’aube, puis s’éveillait frais et dispos, à la chanson des grives et à la voix de la matineuse Norine.

Encore qu’on travaillât ferme au chantier du père Vincart, néanmoins on trouvait le moyen de prendre du bon temps, et la journée comptait des heures de récréation et de repos. La besogne commençait au petit jour et durait jusqu’au moment du goûter. Pendant la grosse chaleur de l’après-midi, le sabotier faisait la sieste, et l’ouvrage ne reprenait que vers quatre heures. Norine et Bigarreau en profitaient pour courir