Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il se leva tout d’une pièce, et, sortant de sa cachette, il s’engagea dans la coupe. Bientôt, entre deux piles de souches, il distingua Norine qui accourait au-devant de lui.

— Venez ! fit-elle tout essoufflée en le rejoignant, le père consent à vous prendre à l’essai… Je lui ai dit que vous vous appeliez Claude Pinson et que vous étiez en service chez des vanniers qui vous battaient… Retenez bien tout ça, afin de ne pas vous couper quand il vous questionnera.

Elle s’arrêta pour rattraper son haleine, et ses yeux limpides se fixèrent longuement sur les yeux bleus de Bigarreau.

— J’ai été forcée, reprit-elle, de dire des menteries au père pour l’amadouer, et ça me fait gros cœur de le tromper… Tâchez que je n’en aie point regret.

Pour la première fois en sa vie, Bigarreau se rendait compte de ce que ce pouvait être que la bonté, et, pour la première fois, ses yeux se mouillèrent de larmes qui n’étaient arrachées ni par la douleur ni par la colère. Au fond de lui, la source de sensibilité qui se tient cachée au cœur de tout être, humain jaillit brusquement.