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Je ne veux de mal à personne, à vous moins qu’à tout autre… Je vous en prie, ne me vendez pas !

Alors, hâtivement, il lui conta son histoire, sans omettre l’aventure de la veille. Il parla du régime de la prison, des mauvais traitements des gardiens, et montra ses mains encore gonflées par les meurtrissures des patoches.

Peu à peu Norine s’était rapprochée ; elle finit par s’agenouiller dans l’herbe. Elle écoutait avec un intérêt croissant le récit des misères de Bigarreau ; ses yeux noirs tantôt devenaient humides et tantôt flambaient d’indignation. Elle prit même l’une des mains du fugitif et examina avec une compassion attendrie les marques violacées qui témoignaient de la cruauté des gardiens.

— Les sauvages ! s’exclama-t-elle, ils vous battaient ?… C’est lâche de se mettre à plusieurs pour rouer de coups un gachenet ! … Quel âge avez-vous ?

— Je suis dans ma seizième année.

— Comme moi. Et vous vous êtes échappé ?… Vous avez eu grandement raison ; j’en aurais fait autant à votre place !… Maintenant, qu’allez-vous devenir ?

Bigarreau répondit que toute sa peur était