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— La mienne aussi, dit doucement Norine, elle est morte quand je n’avais que dix ans.

Il y eut quelques minutes de silence. Bigarreau mâchonnait nerveusement une tige de menthe ; la jeune fille trempait l’une de ses mains dans l’eau et s’amusait à faire rouler des gouttelettes brillantes le long de son bras nu. Elle jeta un regard perçant sur son vis-à-vis ; puis, reprenant ses questions :

— Vous étiez en service, à Auberive ? demanda-t-elle.

— Oui.

— Et vous vous êtes sauvé de chez vos maîtres, hein ?

— Vous avez deviné juste, se hâta-t-il de répondre, espérant ainsi être quitte de cet interrogatoire embarrassant ; mais il avait compté sans la curiosité tenace de la fille du sabotier.

— Comment s’appelaient-ils, vos maîtres ? poursuivit-elle.

Bigarreau, pris au dépourvu, chercha un nom vraisemblable et n’en trouva pas tout d’abord ; puis il réfléchit que s’il nommait au hasard quelqu’un d’Auberive, son mensonge risquait d’être vite éventé par ce juge instructeur en