Page:Theuriet - Bigarreau, 1886.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honteux de sa voracité, et, après avoir arrosé sa collation d’une gorgée d’eau puisée dans le creux de sa main :

— Ouf ! murmura-t-il, ça va mieux… Merci !… Il était temps, et je tombais de faim.

— Vrai ?… Vous ne mangez donc pas votre content chez vous ?

— Pas toujours, répondit-il laconiquement.

— Est-ce que vous êtes de Colmiers ?

— Non.

— Du Val-Serveux, peut-être ?

Il l’examinait de nouveau avec embarras ; la franchise des yeux limpides et peu intimidés de la fillette le prédisposait à la confiance.

— Je suis, répondit-il, d’un endroit près d’Auberive.. Connaissez-vous ce pays-là ?

— Je n’y suis jamais allée, mais mon père le connaît… Est-ce que ce n’est pas à Auberive qu’il y a des prisonniers ?

À cette question non prévue, l’embarras du garçon redoubla.

— Oui… je crois, balbutia-t il évasivement.

Son trouble n’avait pas échappé à la fillette. Elle le dévisageait avec une attention inquiète, et il se sentait rougir sous le regard obstiné de