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n’avait pas mauvaise figure dans cet encadrement de hautes tiges vertes. Le bain semblait l’avoir purifié des souillures de la prison ; ses joues et ses lèvres avaient retrouvé les couleurs vives auxquelles il devait son nom de Bigarreau, et son attitude abandonnée de dormeur lui donnait l’air bon enfant. La fillette, un peu rassurée, hasarda quelques pas vers le garçon, qui, de son côté, jugea le moment venu de secouer sa feinte somnolence.

Il étira les bras comme quelqu’un qui s’éveille, se frotta les yeux et se souleva sur le coude. Un sourire malicieux ouvrit la bouche assez grande de la jeune fille.

— Ga ! s’exclama-t-elle, vous avez le sommeil dur !

— Dame, répondit Bigarreau avec aplomb, quand on est fatigué, vous savez, on… (il allait dire : « on pionce, » mais, par une sorte de retenue, il renfonça dans son gosier ce terme d’argot) on dort comme une souche… Qui dort dîne !

— Vous n’avez pourtant pas jeûné tout à fait, répliqua-t-elle en jetant un regard ironique sur les framboisiers encore froissés de la